lundi 18 août 2008

21.

Soudain, à la table, une question tombe: "As-tu déjà fumé?"
Et comme si c'était attendu, un mensonge répond à l'interrogation lancée: "Non."

Mais alors, une certaine gêne envahit le corps. Fumer? Fumer quoi? De la cannelle dans la cours de récréation? Non. De la marijuana dans les toilettes de l'école secondaire? Oui. Trop peut-être.

Mais ça, ce n'est rien. Ce n'est rien comparé à l'envie qui remonte dans le nez, au goût fort et chimique qui descends des narines à la bouche, aux paupières lourdes qui tombent après une ligne. Fumer? Fumer quoi? Bof, on pourrait dire que non, grosso modo.

Des envies paradoxales trompent le corps. Celle d'appartenir à une société cultivée et riche en divertissements et celle, plus primitive, d'être parmi les oiseaux de nuit, qui se déchirent les ailes en voulant rejoindre les étoiles. Et parce que le premier monde semble aussi inaccessible que le second dans l'instant présent, le cerveau tombe dans le coma des souvenirs... et le goût chimique de la coke revient plus fortement.

Le nez qui crie une douleur aigüe. La bouche qui grimace sous le goût acre d'une neige insoluble. Les veines qui paniques d'excitation. Le cœur qui se trémousse. L'abandon du corps, des principes, de la volonté, de l'éthique, de la bienséance, de toutes ses choses imposées par une intelligence malsaine, trompeuse peut-être, revient hanté le corps. Les souvenirs, si présents, remontent aux yeux en boule de cristal, étranglent la gorge, enserrent les mâchoires.

Crier d'envie de mélanger de nouveau cette coke avec cette Extasy. De se retrouver dans ce club entouré de vautours. De se laisser échouer dans les bras d'un inconnu.

Soupirer enfin du deuil de ce monde malsain. Voir les sourcils tombés sous l'impossibilité d'obtenir de nouveau cette folle combinaison de poison. Se contenter d'une réalité, quand même acceptable. Se voir peut-être sourire devant les différences de notre vie face à celle de nos amis. Se contenter de l'écart. Se contenter de ce qu'ils ignorent. Se contenter de ce qu'ils ne veulent pas savoir. Puis se sentir, un peu, un brin, un minuscule, plus forte, plus courageuse qu'eux par le guts d'avoir déjà fait ce qu'ils ont toujours redoutés de faire.

Et rire en silence.

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