mardi 24 juin 2008

15.

Vendre de l'alcool. S'épuiser à la distribuer. Pousser les gens à la limite de l'ivresse. Les accompagner dans leur saoulerie. Rire avec eux. Parler fort. Sourire constamment. Participer à leur plaisir. Y contribuer, même. Puis tranquillement, les voir disparaître, un à un. Rarement avec un "au revoir" ou un "merci" tant l'alcool distille la pensée. Se sentir épuiser de tant d'efforts. Se coucher les poches pleines, les yeux pochés.

Se lever fatiguée de la veille. Se savoir en congé. Être envahie des effleuves des shooters vendues quelques heures plus tôt. Baver, presque, devant l'idée que ce soir, les rôles ont changés.

S'abreuver d'alcool avec l'argent du monde qui se sont abreuvés d'alcool sur ton quart de travail. Voir l'alcool disparaître aussi rapidement qu'elle est venue. Ne pas croire à son goût. Ne pas croire à sa douceur. Ne pas croire à sa fraîcheur et à l'ivresse qui s'en vient, tranquillement mais aussi surement qu'un orgasme prolongé. Rire avec les échos dans la tête qui tourne. Voir les mots tombés de la bouche et s'écarser sur la table à grands éclats de rire. Ne plus comprendre la situation mais se sentir si bien de tant de légèreté. Parler fort pour rien. Voir le monde statique se mouvoir. Sentir les muscles s'alourdir. Tomber, un peu par exprès, dans les bras d'un bel inconnu. L'embrasser, un peu par accident, mais pas trop.

Et finir la soirée dans un lit bercé d'illusions d'alcooliques, où demain, se dit-on, sera un jour sans eau-de-vie, mais recommencer, inlassablement le même rythme, jour après jour, sans plus jamais pouvoir s'arrêter...